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SOCIALISME CONTRE INDIVIDUALISME par Daniel DE Leon

Publié le 12 Avril 2021

SOCIALISME CONTRE INDIVIDUALISME par Daniel DE Leon

SOCIALISME

contre

Individualisme”

 

tRADUCTION: Jean-pierre laffitte

 

 

Débat entre De Leon et Carmody

 

 

DANIEL DE LEON

Rédacteur en chef du Daily People de New York

 

THOMAS F. CARMODY

Procureur général de l’État de New York

 

 

 

Sous les auspices du People’s Forum

 

 

Transcription sténographique par M. Emmet W. Connors

Discours prononcés au Proctor’s Theater, Troy, N. Y., le 14 avril 1912

 

 

PUBLIÉ PAR LE COMITÉ EXÉCUTIF NATIONAL DU SOCIALIST LABOR PARTY

 

INTRODUCTION

 

Lorsque Daniel De Leon, marxiste brillant et érudit, rencontra le procureur général de l’État de New York, Thomas F. Carmody, dans un débat qui s’est déroulé à Troy(*), New York, le 14 avril 19212, il était présumé qu’il allait croiser le fer avec un ennemi digne de son acier. Il s’est avéré, ainsi que De Leon le dirait, que cela s’est passé tout autrement et même au contraire. Malgré la haute fonction occupée par M. Carmody, en tant que débatteur sur le sujet du socialisme, il s’est révélé être un quelconque politicien ordinaire. Le sujet qui était convenu était : “Individualisme contre socialisme”. M. Carmody n’a jamais vraiment abordé le sujet. Ainsi que De Leon l’a fait observer dans sa première réfutation : « … c’est plutôt une oraison qui cherche ses mots qui a été prononcée [par M. Carmody] ». M. Carmody devait contester, et si possible réfuter, le fait que le socialisme et l’individualisme aient été compatibles – établir la fausseté de l’assertion de De Leon selon laquelle le socialisme encourage l’individualité, et démentir son affirmation selon laquelle le capitalisme l’étouffe et l’écrase.

La prestation de M. Carmody nous rappelle la satire de Samuel Butler (Hudibras)(**) dans laquelle l’on nous dit que :

« Il avait entrepris de démontrer, par la force

Des arguments, que l’homme n'est pas un cheval ».

Carmody éluda le problème, ce qui justifiait pleinement l’accusation de De Leon selon laquelle « il [Carmody] a fait le plaidoyer de l’aveu et de l’évitement ». Au lieu de traiter la question directement, il a improvisé une multitude d’arguments spécieux qu’il s’est alors mis à démolir. Bien que De Leon ait déclaré qu’« il n’aurait pas accepté un débat portant sur “capitalisme contre socialisme” » (le sujet étant bien trop vaste), il a néanmoins utilisé les fausses accusations de M. Carmody contre le socialisme et les socialistes, et il s’en est débarrassé, l’une après l’autre. Cela représentait un cas clair et net du fait que le vaillant défenseur du capitalisme se trouvait dans une fuite éperdue, alors que le grand champion du socialisme occupait solidement le terrain, ou bien se lançait à ses trousses.

Le Daily People du 16 avril 1912 contient un compte rendu intéressant sur le débat, et l’on pense que l’extrait qui suit est d’un intérêt suffisant pour qu’on le cite :

 

« Dans les trente minutes d’ouverture, De Leon a défini l’individualisme et l’individualité comme signifiant le meilleur dans l’homme et dans l’humanité. Il a ensuite illustré le fait que l’individualisme ne faisait pas aujourd'hui partie du sort des masses. Il a démontré son point de vue en citant tous les candidats de premier plan à la présidence, étant donné que tous ont été d’accord pour dire que quelque chose devrait être fait pour remédier à ces maux destructeurs de l’individualisme. Il a ensuite cité plusieurs autres exemples économiques et sociologiques de la façon dont le capitalisme travaille, laquelle lui impose d’être un destructeur de l’individualisme. Il a dit : que le socialisme rétablisse ou non l’individualisme est une question qui requiert la manipulation de vastes principes en économie politique, en sociologie et en biologie, mais une chose est certaine, et c’est qu’il serait malvenu pour un défenseur du capitalisme de se proclamer représentant de l’individualisme ; le capitalisme avait semé le désordre dans l’individualisme. De Leon a ensuite terminé son argumentation en ébauchant les raisons économiques pour lesquelles le destructeur de l’individualisme une fois écrasé, l’individualisme ou l’individualité pourraient renaître. ».

 

La façon qu’avait le procureur général de New York de faire face à la question a déjà été décrite, mais le journaliste du Daily People ajoutait que, lorsqu’il déroulait son discours, « le procureur général s’enferrait de plus en plus », tandis que De Leon était présenté comme mettant en pièces « d’aussi nombreuses erreurs sociologiques et économiques commises par le procureur général que le temps en était permis à De Leon ». « Et », concluait notre journaliste, « à la clôture du débat, De Leon a reçu une large ovation ». Que cette ovation ait été la récompense bien gagnée du grand débatteur et orateur, le lecteur peut s’en convaincre en étudiant les brillants arguments de De Leon tels qu’ils sont déployés dans les pages qui suivent.

Ce débat célèbre entre le plus grand champion du socialisme en Amérique et un défenseur éminent du capitalisme est un procès-verbal précieux et un document historique de grande importance. Il devrait être examiné par les étudiants à cause de l’éclairage que De Leon projette sur de nombreux sujets relativement à la science du socialisme qui sont fréquemment déformés par les défenseurs de l’esclavage salarié capitaliste, et mal compris par de nombreuses personnes, qui voudraient être des sympathisants de l’émancipation de la classe ouvrière, mais qui font preuve de leurs idées fausses et de leur ignorance sur le sujet.

 

Arnold Petersen

New York, N. Y., 21 avril 1942

 

 

 

 

PRÉSENTATION DIRECTE

DANIEL DE LEON

 

M. le président, mesdames et messieurs :

Lorsque le programme m’a été mis entre les mains il y a quelques heures de cela, et que j’ai remarqué qu’il était intitulé : “Individualisme contre socialisme”, j’ai pensé que l’ordre convenable du débat aurait été que le représentant de l’antisocialisme parle en premier. Ce titre : “Individualisme contre socialisme” implique l’opinion que le terme d’“individualisme” ne nécessite pas de définition. Je vais vous prouver que c’est une erreur. Je commencerai cependant par déclarer, ainsi que je le démontrerai dans mes remarques de conclusion, que nous, du mouvement socialiste, nous considérons que nous sommes les promoteurs réels de l’individualisme, de l’individualité, dans le pays. Je présente cela comme étant ma thèse, et c’est ce pour quoi je vais argumenter.

Observons les représentants de la classe dominante d’aujourd'hui. Ce sont des meneurs d’hommes ; ce sont des hommes d’État éminents. Je débuterai en citant le titulaire actuel du fauteuil de président. Le président Taft(*) admet que les choses ne sont pas ce qu’elles devraient être à maints égards. Il admet que les chances ne sont égales pour tous. Il propose d’y remédier d’une certaine manière. Son opposant de premier plan est encore plus catégorique. Je parle du colonel Roosevelt. Il ne prétend pas seulement que les choses ne devraient pas être ce qu’elles sont aujourd'hui ; il ne dit pas seulement que les chances ne sont pas égales ; mais il affirme audacieusement que les chances sont inégales et qu’il n’y a pas d’affaires loyales dans le pays. Je ne cite pas des personnes obscures. Mon opposant distingué rejettera peut-être les déclarations de deux républicains. Laissez-moi citer maintenant les opinions d’hommes représentatifs de son camp, le camp démocrate. Un monsieur qui a concouru à trois reprises pour la candidature à l’investiture présidentielle, M. Bryan, tient le langage de Roosevelt, ou plutôt, c’est Roosevelt qui tient son langage sur le sujet que j’ai mentionné. Il dit : « Le petit peuple est jeté par terre dans l’intérêt de la ploutocratie ». Si M. Bryan n’est pas acceptable pour mon opposant distingué, laissez-moi citer le gouverneur du New Jersey, Woodrow Wilson, qui est également un démocrate. Il dit : « Les jours de la petite compétition sont passés, et nous devons adapter les institutions du pays de telle manière qu’une chance égale puisse être restaurée pour les gens. La porte des possibilités est verrouillée à double tour. ». Si le gouverneur Woodrow Wilson n'est pas tout à fait acceptable, laissez-moi prendre un autre candidat, deux d’entre eux pour faire la paire étant donné qu’ils voyagent de conserve : Champ Clark et Underwood(*). Comme vous pouvez le remarquer, je ne cite que du bois dont on fait les présidents. Tous deux disent : « Le pays est en train de plonger vers la destruction ». Je vais citer une phrase tirée d’un des discours de campagne de Champ Clark dans le Missouri et l’Illinois où les gens le soutenaient pour les primaires. Il a dit : « Nous nous dirigeons vers une Révolution française à cause des chances inégales auxquelles la majorité des gens sont soumis ». Si Champ Clark et Underwood, navigant dans le même bateau, ne sont pas acceptables pour mon adversaire distingué, je citerai le gouverneur de l’Ohio, Judson Harmon, lui aussi un candidat présidentiel de premier plan du Parti démocrate. En réponse à une adresse de Roosevelt avant la Convention constitutionnelle de Columbus, il a déclaré que les conditions dont M. Roosevelt se plaint existent bien, mais que l’on ne pouvait pas y faire face avec les mesures qu’il propose.

Bref, la situation est la suivante : nous avons l’affirmation, qui est issue des bouches de ces représentants éminents de l’ordre actuel des choses, selon laquelle les conditions existantes ne favorisent pas le bien-être de la majorité du peuple. Cela importe peu qu’ils proposent, chacun d’entre eux, des méthodes différentes, et que les mesures qu’ils proposent soient différentes des méthodes du socialisme, ou du Socialist Labor Party en particulier. Il est suffisant que leur diagnostic et notre diagnostic soient parfaitement d’accord concernant les conditions actuelles. Bien que leurs mesures soient différentes, ils sont d’accord entre eux sur le fait que les conditions actuelles sont les conditions du mal-être des masses.

Avant d’aller plus loin sur cette ligne, éclaircissons la définition du mot “indivi-dualisme”. Ainsi que j’avais commencé à le dire, le mot semble être un mot ayant une signification généralement admise ; mais, dans le langage de Thomas Jefferson, lorsque la société atteint le point qui s’écrit révolution, alors tout terme particulier est convoqué à la barre du peuple et il doit être réexaminé selon le même principe qu’une pièce de monnaie usée est réexaminée. Je vais vous prouver que le mot “individualisme”, tel qu’il est employé par les hommes qui sont contre le socialisme, est un mot qui ne représente plus la “monnaie” qu’il représentait autrefois. C'est une contrefaçon, ou bien il s’est trouvé qu’il a été usé au-delà de toute apparence originelle. La chose essentielle est de définir le mot.

Que veut dire l’“individualisme” ? L’“individualisme” signifie cet état de choses chez l’homme ou la femme qui fait de lui ou d’elle une forte individualité ; qui fait de lui ou d’elle un homme fort ou une femme forte ; qui fait de lui un homme en bonne santé et d’elle une femme en bonne santé. Il existe un autre terme, qui est intimement lié à l’“individualité”, et que je pourrais traiter aussi maintenant. Il s’agit de la “survie des plus forts”. Cette expression est largement galvaudée. L’on nous raconte que nous avons la “survie des plus forts” maintenant, et que cela serait suffisant pour clore le bec aux socialistes. La “survie des plus forts” signifie les plus forts dans des conditions données – et les “plus forts” ne sont pas toujours les “meilleurs”.

C’est l’anguille qui est la plus forte dans la boue. Aucun homme ou femme en bonne santé ne peut vivre dans la boue et, par conséquent, celles qui sont les plus fortes dans ces conditions-là, ce sont les anguilles. Employer le terme dans le sens que les opposants au socialisme utilisent, c’est une parodie de la “survie des plus forts”. Le terme veut dire ceux qui sont les plus forts dans certaines conditions sociales, et la question revient : les conditions sociales actuelles sont-elles telles qu’elles développeront le type le plus élevé et le meilleur qui serait adapté à nos idéaux du XX° siècle ? Nous, les socialistes, nous disons non. Et nous le prouvons.

Prenez une forêt. Cette forêt se compose d’arbres. Il y a besoin de beaux arbres individuels pour constituer une forêt qui soit belle collectivement. Si les arbres sont trop proches les uns des autres, ils seront un obstacle pour la croissance de chacun. Dans cet état des choses, vous n’aurez pas une bonne forêt ; vous aurez une jungle. Celui qui, par conséquent, a à l’esprit la chose collective, une forêt, doit avoir en tête de bons arbres pris individuellement, et celui qui comprend ce que de bons arbres pris individuellement signifient doit nécessairement supposer la chose collective, une bonne forêt. Mais les arbres sont des êtres inanimés. Traitons maintenant d’êtres animés.

Prenons une armée. Une armée dépend de l’individualité de ses soldats. Si, individuellement, chaque soldat n’est pas convenablement formé au métier militaire, si cette individualité de soldat n’est pas correctement inculquée, alors l’armée est une impossibilité. Le général aura une foule, et il sera battu à plate couture par l’autre armée. Qu’est-ce que cela implique ?

Cela implique que cet individualisme-là ne refuse pas d’admettre des exigences socialistes, altruistes ou collectivistes. Pour la raison même que les soldats doivent être individuellement bien entraînés, tous doivent abandonner une certaine portion de leur individualisme au profit de l’ensemble, sinon il ne pourrait pas y avoir d’organisation. Sans altruisme dans l’armée, chaque soldat ferait les choses à sa manière et vous aurez tout ce que vous voulez, mais vous n’aurez pas une armée. Elle exige l’individualité, et en plus l’abandon d’une partie de vous, et cela est un point que le socialisme enseigne – l’homme est un être social, et les capacités réelles de son individualité ne peuvent pas se développer tant qu’il n’est pas en société, c'est-à-dire en fusionnant une partie de son individualité avec le tout.

Et maintenant que le but pourrait être atteint – soit une forte individualité –, une individualité suffisamment sage pour se rendre compte que l’individualité acquise serait nulle si elle n’est pas assez civilisée pour céder une partie d’elle-même à l’ensemble – ceci étant le but –, comment le capitalisme fait-il face à ces exigences ?

Nous accusons la société moderne, c'est-à-dire le capitalisme, de broyer l’individualité. Ses méthodes effectuent le contraire de la mise en valeur l’individualité. Ses méthodes, si l’on prend l’illustration de la forêt, produisent la jungle. Ses méthodes, si l’on prend l’illustration de l’armée, font ressortir une foule et, si vous avez une foule, vous avez, pas très loin, un aspirant dictateur se faisant passer pour un sauveur – une circonstance qui explique la présence et l’existence du colonel Roosevelt aujourd'hui sur le terrain.

Laissez-moi prendre quelques illustrations, aux extrémités radicalement opposées de la société actuelle, afin d’illustrer ce que le capitalisme fait pour l’individualisme. C'est un traitement équitable. Le capitalisme a eu le monde pour lui-même, sans avoir à le partager. Les porte-parole du capitalisme admettent, comme tous ceux que j’ai cités précédemment, que les choses ne sont pas comme elles devraient être. Ils ont eu la société si longtemps entre leurs mains que nous pouvons bien les tenir pour responsables des maux dont ils admettent qu’ils affligent la société.

Prenez deux exemples, aux deux extrémités du système social, telles qu’elles ne sont concevables que dans un ordre social capitaliste démocrate-républicain.

Voici un fabricant de chaussures. Il emploie, dirons-nous, cent ouvriers. Il ne fabriquera rien s’il n’a pas de commandes, ou bien s’il n’en attend pas. Supposez qu’il ait reçu des commandes pour dix mille paires de chaussures, ou bien qu’il attende des commandes pour ce montant. Il a cent hommes au travail. Supposez que chaque homme produise en moyenne une paire de chaussures par jour. Cela voudrait dire que cela prendrait cent jours pour exécuter cette commande. Que fait le capitalisme pour l’individualité, ou l’individualisme, de ces hommes ? Les encourage-t-il à développer ce qu’il y a de mieux en eux afin qu’ils produisent plus rapidement, plus rapidement, de sorte qu’ils accomplissent ce qui est escompté avec une perte minimale de temps ? Non. Le capitalisme fait le contraire. Supposez que ces cent hommes qui produisent en moyenne une paire de chaussures par jour, et qui, par conséquent, ont cent jours de travail devant eux – supposez qu’ils mettent la gomme et que de ce fait ils pourraient produire deux paires de chaussures par jour en moyenne. Cela voudrait dire qu’au bout de cinquante jours ils n’auraient plus de travail. S’ils mettent encore plus d’ardeur à leur travail et qu’ils produisent quatre paires de chaussures par jour en moyenne, cela voudrait dire qu’au bout de vingt-cinq jours ils resteraient inoccupés. Et s’ils font preuve d’encore plus de zèle, cela signifie qu’ils manqueront de pain d’autant plus tôt. Voilà ce que le système capitaliste réalise pour l’individualité de ces hommes. J’espère que notre ami, M. Carmody, nous expliquera comment l’individualité de ces ouvriers est favorisée dans un système social qui les fouette avec la cravache de la faim. De quelle manière ces hommes pourraient-ils espérer développer ce qu’il y a de mieux en eux dans un tel système ? Ce que le système capitaliste fait, c’est de les obliger à ralentir dans leur travail autant que c’est possible, afin non pas seulement de raccourcir la période au bout de laquelle ils seront désœuvrés, mais afin d’allonger la période dans laquelle ils auront la possibilité de gagner leur vie. C’est ce que le système capitaliste effectue pour l’individualisme avec la masse des travailleurs.

Prenez une illustration tirée d’une autre extrémité de l’échelle sociale. Examinez une grande société. Nous savons que de gros efforts sont déployés par de grandes sociétés pour faire apparaître, statistiquement, qu’un nombre important d’actionnaires participent à ces entreprises. La New York Central prétend qu’elle est maintenant détenue par quelque chose comme 20 000 actionnaires. Mais regardez donc ! Pourquoi ont-ils augmenté le nombre de personnes qui ont – quoi ? Qui ont quelque chose à dire dans la société ? Pas du tout. Vingt hommes dans cette société, et c’est la même chose dans toutes les sociétés, peuvent mettre en minorité les autres. Un actionnariat de ce type est une illusion. Ces hommes qui constituent le plus grand nombre des actionnaires ne possèdent même pas la centième partie des valeurs qui sont détenues par les administrateurs de société de premier plan. Où donc l’individualité de cette grande majorité des actionnaires intervient-elle ? Peuvent-ils agir pour contrer la minorité ? Pas à moins que cette minorité n’essaie d’être trop “intelligente” et qu’elle aille à l’encontre du code pénal. Mais même s’ils peuvent se servir uniquement de cet aspect du code pénal, aucun tribunal ne reconnaîtra la majorité des actionnaires, parce que la majorité des actionnaires ne compte pas et que la minorité peut faire ce qu’il lui plaît. Ce ne sont pas les êtres humains qui comptent ; mais ce sont les titres ; c’est l’agent, c’est la propriété – et non pas l’individualisme humain.

Je vais récapituler ces deux illustrations à l’aide d’une troisième afin de vous montrer que l’individualisme est le dernier mot qui viendrait à la bouche d’un défenseur républicain ou démocrate du capitalisme. Allez aux meetings républicains ; allez aux meetings démocrates ; lisez des journaux républicains ; lisez des journaux démocrates ; lisez ceux de toutes les couleurs et de toutes les nuances ; qu’ils soient de qualité supérieure ou quelconque ; qu’ils soient libre-échangistes ou protectionnistes ; qu’ils soient pour la révision à la hausse ou à la baisse ; prenez toutes les nuances et les variétés qu’ils ont, et vous trouverez qu’ils sont tous d’accord sur une chose. Et quelle est cette chose ? (Applaudissements).

Laissez-moi revenir en arrière pour un instant. Mais souvenez-vous de cette question : « Quelle est cette chose ? ».

Il y a eu un temps dans l’histoire de cette nation où le citoyen allait voter comme un homme et où il proclamait à voix haute son choix politique. Il y a eu un temps dans l’histoire du pays où l’individualité du citoyen aurait rejeté toute action destinée à exiger le vote à bulletin secret. C’était le temps dans l’histoire de la nation qui était porteur de l’individualité avec le bulletin de vote. Et maintenant, quel est ce point sur lequel tous ces éléments capitalistes sont d’accord aujourd'hui ? Bien qu’ils soient en grand désaccord à d’autres égards, ils sont tous d’accord sur le fait que, sans le vote à bulletin secret, nous ne pouvons pas avoir une expression libre des convictions politiques. Vous rendez-vous compte ce que cela signifie ? C’est le point auquel ils nous ont amenés avec leur individualisme. Leur individualisme est un individualisme qui a transformé la majorité de notre peuple en lâches. Aujourd'hui, lorsque nous entrons dans l’isoloir et, la porte fermée derrière nous, nous jetons notre bulletin de vote comme si étions en train de commettre le crime d’un cambriolage au milieu de la nuit. C’est ce que votre soi-disant individualisme a provoqué.

Le socialiste affirme que la condition actuelle n'est pas une condition pour l’individualisme. Le capitalisme devrait commencer par prouver que l’individualisme a été favorisé par lui. Je demande à mon opposant distingué de nous dévoiler comment l’individualisme est promu dans le système capitaliste ; et comment, ainsi que le système de scrutin le montre, l’individualisme n’a pas été complètement détruit. Le socialisme dit que l’individualisme ne peut pas être favorisé si vous ne garantissez pas à tout citoyen non pas simplement le vote, mais aussi la possibilité de travailler dans laquelle la totalité du fruit de ce qu’il produit lui sera assurée. C’est hors du sujet du débat de démontrer que l’écrasement de l’individualité par le capitalisme est allé de pair avec le pillage de la classe ouvrière. Mais, que les travailleurs soient ou non pillés, nous avons ce principe dans la Déclaration d’Indépendance des États-Unis : si jamais un certain système social est devenu hostile aux intérêts du peuple, c’est le devoir du peuple de le changer, peu importe comment cet état des choses se produirait. Nous accusons le capitalisme d’être le destructeur de l’individualisme.

Ayant encore quelques minutes de temps de parole, je veux donner une illustration plus douloureuse de cet individualisme supposé que le capitalisme produit, et pourquoi il le produit. Je désire parler des maisons de prostitution. Qui, ici à Troy, ne sait pas qu’il y a de telles maisons où n’importe quel homme peut aller quand il le veut ? Comment se fait-il que la police ne les détruise pas ? Comment se fait-il que la police ne les éradique pas ? Est-ce simplement dû aux pots-de-vin ? Ces maisons closes sont des piliers du système social actuel. Sont-elles des symboles d’individualité ?

Vous avez entendu le chant, le magnifique chant entonné sur cette estrade aujourd'hui. Nous avons ici une belle contradiction du capitalisme. « Considérez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. »(*). Et c’est précisément sur cette estrade que vous êtes sur le point d’entendre l’évangile de l’“individualisme” capitaliste – faites aux autres ce que vous ne voudrez pas qu’ils vous fassent.

Dans cette dernière minute de mon discours, je veux donner encore une autre illustration de cette contradiction de la prédication et de la pratique capitalistes. Regardez les plus grands capitalistes dans le pays. Ils vous disent que c’est cette manière de “vivre à la dure” qui fabrique l’individualisme et l’individualité. Et pourtant, ils écriront leurs dernières volontés et leur testament de telle sorte que leur fortune sera laissée à leurs plus chers parents. À quoi bon ? Si l’individualisme est développé par “la vie à la dure”, ils devraient refuser de donner cet argent à ceux qui leur sont chers. Leur dernier acte sur terre fournit un démenti à leur théorie relative à l’individualisme qui serait développé par le fait de “vivre à la dure”. (Applaudissements).

 

 

 

PRÉSENTATION DIRECTE

THOMAS F. CARMODY

 

M. le président, mesdames et messieurs :

C’est bien sûr un grand plaisir d’être autorisé à prendre part à une discussion qui comporte des questions d’un si grand intérêt public devant une assistance de cette nature. C’est un grand plaisir d’avoir comme adversaire dans cette discussion un champion reconnu des doctrines qu’il épouse. C’est un plaisir d’avoir un public qui semble être amical à l’égard de l’orateur. En tant que public qui a besoin que l’on présente la question : socialisme contre individualisme, de manière impartiale et complète, il applaudit du moins, dans une certaine mesure, aux doctrines du socialisme. Vous avez suivi la discussion de mon adversaire distingué avec suffisamment d‘intérêt pour savoir qu’elle a entièrement consisté, de même d’ailleurs que le socialisme, non pas en certains remèdes, mais en attaques, non pas en fournissant des remèdes pour les maux, mais en un inventaire de ces maux, la plupart d’entre eux étant attachés aux institutions humaines et à la nature humaine. Que les doctrines que je soutiens soient ou non définies convenablement par le terme d’individualisme, je veux que vous compreniez clairement que cela signifie que je m’oppose, que le parti que je défends s’oppose, et que tous les paris s’opposent (ceux qui méritent le nom de parti), à l’attaque des institutions sur lesquelles tous les partis bâtissent leur pouvoir et sur lesquelles les libertés et les possibilités individuelles doivent reposer. (Applaudissements).

Je n’ai pas l’intention de laisser prendre à ce débat le cours que mon distingué adversaire lui a imprimé. Je n’ai pas l’intention que cette dispute s’en tienne à un inventaire des maux qui existent dans notre gouvernance politique, et je n’ai pas l’intention d’admettre, par une quelconque analyse spécifique de maux particuliers, que le grand principe qui est en jeu dans cette discussion, qui est impliqué dans la dispute à laquelle il pousse, et qui sera l’un des éléments qui devront être établis dans la campagne présidentielle à venir, soit en quoi que ce soit ne serait-ce qu’obscurci ou brouillé par des références particulières à des sujets qui n’impliquent pas nécessairement les valeurs des doctrines de parti. Mon adversaire distingué a déclaré avec beaucoup d’éloquence que le problème, c’est que l’individualisme a été détruit, et il en a fait en conséquence l’un de ses meilleurs arguments qui pourraient peut-être être présentés à l’encontre le socialisme. Plus de la moitié de son argumentation a été consacrée à montrer du doigt la grande armée industrielle de l’époque actuelle dans laquelle le mérite individuel a été détruit, où la diligence individuelle a été empêchée, et où les hommes et les femmes sont devenus une partie de la grande machine dans laquelle l’opportunité s’est enfoncée au niveau stérile de l’organisation mécanique. Qu’est ce qu’il [leur] adviendra alors, vous le direz (se tournant vers M. De Leon) aux personnes de cette assistance lorsque vous vous adresserez de nouveau à eux, dans une forme de gouvernement dans laquelle il n’y aura aucune possibilité de par la loi de mérite individuel ou de diligence individuelle ?

Il a nommé tous les candidats qui se présentent maintenant devant le peuple à l’élection présidentielle, et il a signalé que ces hommes reconnaissent qu’il existe des maux qui doivent être corrigés ; et si jamais le temps arrive où nous n’admettrons plus qu’il existe des maux à corriger, et où nous ne recommanderons pas quelque chose pour leur correction, alors la sécurité, le progrès et l’opportunité, auront disparu dans ce pays. La beauté et la grandeur des institutions américaines, c’est que, si nous trouvons des maux, quand les gens comprennent qu’il existe des maux, ils se rendent compte qu’ils peuvent être éliminés par le vote.

Je trouve dans ce public beaucoup d’hommes qui sont indubitablement des travailleurs et qui croient en la propagande qui a été prêchée devant vous ici cet après-midi, et qui sont persuadés que, avec les inégalités, avec le manque d’opportunités peut-être, probablement, réelles, dont vous souffrez, il y a quelque chose qui va mal avec la forme de gouvernement sous laquelle tout cela se produit. Le socialiste ne discutera jamais des remèdes. C’est ce dont mon adversaire aurait dû discuter avant de quitter la tribune. Je ne vais m’esquiver en vous racontant que les choses sont mauvaises et qu’un industrialisme tyrannique domine notre vie des affaires. Vous pourriez sortir dans les rues de Troy et laisser libre cours à votre colère parce que le temps ne vous convient pas, parce qu’il est trop froid en hiver, et qu’il pleut le dimanche.

Il y a des choses qui font partie de ce monde de péché et de difficultés. Le socialisme les a indiquées. Il utilise leurs symptômes de façon pire que toute autre classe du peuple. Je ne crois pas que le socialisme soit très dangereux ; il ne reste pas longtemps en n’importe quel lieu ; j’en veux pour preuve Milwaukee et Schenectady.

Je pense que les conditions industrielles nécessitent un remède. Je crois que nos lois industrielles ont besoin d’être révisées, ou renforcées. Je suis opposé à tout système industriel, et il en est de même pour la majorité des Américains, lesquels ne sont pas socialistes, à toute croyance industrielle qui donne la possibilité à certains hommes de produire plus que ce qu’ils ne gagnent et à d’autres hommes de gagner plus que ce qu’ils ne produisent. Ce système industriel qui contraint l’homme pauvre à envoyer ses filles et se fils travailler à l’usine afin d’écarter la famine ; qui ne permet pas qu’ils aillent à l’école, qu’ils y acquièrent de l’éducation et qu’ils deviennent, ainsi qu’ils devraient l’être, éduqués ; tout cela constitue des éléments dont il faut tenir compte dans cette civilisation.

Je m’oppose à toute influence pousserait à désobéir aux tribunaux. Je m’oppose à tous les maux qu’il a indiqués. Je ne veux pas être mis en position, ni ne veux permettre à la cause pour laquelle je parle d’être placée en position, d’hostilité envers le travail. La plus grande fierté de tout parti dans cet État et dans tous les États, c’est que les intérêts du travail sont ceux, parmi tous les intérêts, qui tiennent le plus à cœur aux partis politiques dans ce pays. Entreprendre d’opposer la cause de l’individualisme ou d’opposer les grands partis de ce pays aux intérêts du travail est une erreur. Cet effort échouera.

Prenez cet État par exemple. Venez-en à des choses spécifiques. Cet État a dans son code une loi qui prévoit que, dans tous les contrats publics dans l’État ou les municipalités, il doit y avoir une clause insérée qui stipule la journée de travail de huit heures. J’ai fait cette déclaration devant un public de socialistes il n’y a pas très longtemps. Quelques jours plus tard, j’ai reçu des lettres me disant que cela n’était pas vrai, et c’est un fait que des socialistes refusent d’admettre que l’État a légiféré dans leur intérêt, mais c’est aussi un fait que les intérêts du travail de cet État ont reçu de la part du corps législatif cette protection à laquelle ils ont droit ; et une loi des cinquante-quatre heures a été votée lors de la dernière session en l’étendant à d’autres lieux où cette loi ne s’appliquait pas. En outre, l’État dispose d’un bureau d’inspection des usines destinée à contrôler les fabriques et à voir si ces lois y sont respectées, si ce sont seulement les personnes qui sont arrivées à l’âge convenable qui y sont employées, et s’il y existe une protection appropriée de la vie, de l’intégrité corporelle et de la santé, de ceux qui y sont employés. Vous avez un bureau du travail, à la tête duquel il y a un commissaire du travail qui est un syndicaliste. Il a sous son contrôle une armée d’inspecteurs qui circulent partout dans l’État pour vérifier que les lois y soient bien appliquées. Et pourtant, l’on vous dit que les partis dans cet État et ailleurs seraient en train de conspirer à l’encontre du travail.

Et maintenant, je veux en venir à quelque chose qui est d’une plus grande importance. Je veux établir ici même, en tant que proposition, que n’importe quel parti qui s’oppose au travail ne mérite pas de vivre. (Applaudissements). Je dirai, de plus, que n’importe quel parti qui le fera ne survivra pas. (Applaudissements plus forts). Et je vais vous fournir une troisième proposition – vous pouvez applaudir celle-là –, à savoir que n’importe quel parti qui entreprend de duper le travail avec des remèdes qui ne sont pas bons ne mérite pas de vivre. (Applaudissements encore plus forts auxquels M. De Leon se joint).

Je veux donner à mon adversaire un petit quelque chose à faire. Qu’est-ce que le socialisme a à dire à ce propos ? Quels sont ses remèdes ? Ils ont indiqué les maux. Cela ne serait pas faire un très bon travail pour un docteur de venir chez vous et de vous dire combien vous êtes malade, mais sans qu’il puisse vous donner un quelconque remède pour vous soigner. J’ai là leur programme national et j’attire votre attention sur un point qui est la base du socialisme. La propriété collective des chemins de fer, du télégraphe, des téléphones, des compagnies de navigation et de tous les autres moyens de transport et de communication sociaux. Ils disent qu’il ne peut pas y avoir de titre de propriété privée ; que ce titre soit dénommé de pleine propriété ou autrement, il doit être subordonné au titre de propriété publique. C'est la propriété collective qui vient en premier. C’est là le principe de base du socialisme. Sans ce remède, le socialisme n’a pas de remède. Et si ce n’est pas un remède, le socialisme n’a plus de raison d’être. Ce qui est sûr, c’est que, s’il ne peut pas appliquer ce principe fondamental de son credo, il doit alors cesser de vous solliciter, ou de faire appel à toute autre fraction de notre peuple, pour le soutenir à moins qu’ils ne trouvent une réponse aux maux qu’ils ont diagnostiqués en tant qu’une partie des maux du corps politique ; mais alors ils n’ont pas de remède et je vais demander à mon adversaire de dire ce qui n’a encore jamais été dit devant un public américain et que je n’ai jamais compris, ni entendu, ni lu.

En premier lieu, que font-ils faire pour en arriver là ? Vous avez les chemins de fer, les télégraphes, les téléphones et les canaux. Comment allez-vous les obtenir ? Ils sont possédés par des individus privés ; ils sont exploités par des individus privés en tant que propriété privée. Comment vont-ils être acquis par le socialisme ? Allez-vous en racheter la totalité ? Ceci est de la politique. Cela montre si oui ou non vous êtes d’accord avec le socialisme. Où allez-vous trouver l’argent pour les acheter ? Supposez que vous ayez l’argent et supposez que vous les achetiez, et que vous payiez les hommes pour leur propriété, alors vous devez commencer par vous mettre d’accord avec de nombreux millionnaires. Je vais m’occuper de votre proposition telle que vous l’avez définie en premier lieu. Vous croyez en la propriété collective. Et alors vous devez mettre fin à la propriété privée. Vous avez deux façons de le faire : vous devez payer avec de l’argent pour elle, ou bien vous devez la confisquer. Si vous la payez, vous devez alors commencer par vous mettre d’accord avec de nombreux millionnaires. Si vous la confisquez, où est votre socialisme ? (Applaudissements).

Je pose cette question aux socialistes, et je n’ai jamais reçu d’autre réponse que la confiscation, ce qui signifie l’anarchie. Si c’est là la théorie du socialisme, et si c’est la seule qui résout la situation, vous avez alors, au lieu d’un solvant de la misère humaine, l’attaque la plus tyrannique, puissante et mortelle, à la liberté humaine qui a jamais été lancée par une source quelconque depuis que Dieu a dit : « Que la lumière soit ». Vous devez faire en sorte de rendre politique cette doctrine de la propriété publique.

L’idée actuelle, l’idée de l’individualisme, c’est que les entreprises soient susceptibles d’être traduites en justice. Personne ne croit qu’elles devraient tyranniser les droits, la liberté ou les intérêts, de la propriété ; dont vous avez le pouvoir et la possibilité, si vous le voulez, de les rectifier ou les corriger avec votre bulletin de vote. (Applaudissements). Je ne permettrai à personne de dire devant mon public que les partis de ce pays se tiennent debout sur le corps à plat ventre du travailleur ou du citoyen. Je n’autoriserai personne à dire, ici ou n’importe où, que ce pays s’éloigne ou s’éloignera jamais de l’humanité commune qui est son orgueil et sa gloire. L’individualisme donne des possibilités à votre homme qui travaille dans l’usine de chaussures, il donne des possibilités à votre homme qui travaille dans une ferme, il donne des possibilités à votre homme n’importe où, s’il a davantage d’intelligence et de diligence que n’importe qui d’autre. Il lui donne la possibilité de trouver une solution.

Cela a été la gloire de ce pays que ses possibilités aient abouti à ce qu’il est et à ce que nos ancêtres [ont voulu qu’il soit] lorsqu’ils ont exposé la forme du gouvernement qui est la nôtre aujourd'hui, et qui, grâce à Dieu, sera toujours la nôtre, étant donné que nous devenons suffisamment patriotes pour la défendre si jamais on l’attaque. Elle était fondée sur la théorie selon laquelle tous les hommes devraient avoir des chances égales de gagner ce qu’ils pourraient gagner et d’avoir ce qu’ils méritaient. Si cela n’a pas cours aujourd'hui, vous avez le pouvoir d’aller voter et de punir le parti qui ne le permet pas. Mais vous ne trouverez pas le remède dans quoi que ce soit que le socialisme envisage. Je veux, durant le temps qui restera à mon adversaire pour discuter, je veux que, au lieu de désigner les choses sur lesquelles nous sommes d’accord, il vous donne les remèdes que possède le socialisme. Il a cité les candidats à la présidence, lesquels ont tous indiqué les maux sur lesquels il s’est appesanti. Il y en a beaucoup plus, mais aucun de ces candidats à la présidence n’a défendu les théories qu’il défend. Chacun d’eux, Taft, Roosevelt, Wilson, Clark, chacun d’eux est contre le socialisme. En voyant les maux, comme vous les voyez, ils voient pourtant qu’il existe des remèdes pour ces maux avec nos lois et nos formes de gouvernement. (La cloche sonne, une minute avant la fin du temps imparti). La discussion n’aura aucune importance si nous ne sommes pas à même d’avoir la politique pratique, qui correspond à vos et à mes théories, discutée devant ce public. J’insiste encore, en m’asseyant après cette première manche, sur le fait que, quand mon adversaire prendra place à la tribune la prochaine fois, il vous dise comment les maux qu’il a indiqués trouveront des remèdes avec le socialisme qu’il propose. (Applaudissements).

(*)(*) Troy est une ville du nord-est des États-Unis qui fait partie de l’aire métropolitaine d’Albany, la capitale de l’État de New York. (NdT).

(**)(**) Hudibras est un poème héroïque parodique écrit par Samuel Butler (1612-1680). Cette satire visait principalement le puritanisme, les presbytériens, ainsi que certaines autres factions impliquées dans la Première Révolution anglaise. (NdT).

 

(*)(*) William Howard Taft (1857-1930), est un homme d’État américain, vingt-septième président des États-Unis, en fonction de 1909 à 1913, puis dixième président de la Cour suprême des États-Unis de 1921 à 1930. (NdT).

 

(*)(*) James Beauchamp Clark (1850-1921) était un homme politique américain et un avocat qui représentait le Missouri à la Chambre des Représentants des États-Unis et qui a eu pour fonction d’être le président de cette Chambre de 1911 à 1919.

Oscar Wilder Underwood (1962-1929) est de 1915 à 1927 sénateur démocrate de l’Alabama. Il est le premier leader des démocrates au Sénat de 1920 à 1923.

Tous deux ont concouru pour être désigné par le Parti démocrate lors de l’élection présidentielle de 1912, mais c’est Woodrow Wilson qui l’a emporté au bout du compte. (NdT).

(*)(*) Matthieu 6 : 28-29. Bible de Louis Segond. (NdT).

 

 

 

 

RÉFUTATION DE DANIEL DE LEON

 

Si un voyageur provenant de Mars avait atterri ici quand mon distingué adversaire était en train de parler, il aurait été fondé à conclure que le débat ne portait pas sur l’individualisme. Et pourtant, c’était bien le sujet du débat. C’était le sujet auquel il fallait s’en tenir, et, au lieu de cela, sans vouloir offenser, nous avons eu affaire à un discours de campagne. Cette sorte de raisonnement devra être abandonnée par les vieux partis s’ils veulent conserver l’oreille du peuple. Quiconque sait quelque chose sait bien que le sujet du socialisme est un vaste sujet. Je n’aurais pas accepté un débat portant sur “capitalisme contre socialisme”. Je n’aurais accepté qu’une de ses subdivisions ; parce que, en quelques minutes, vous ne pouvez qu’effleurer la surface si vous prenez le vaste sujet du capitalisme ou du socialisme. Le sujet du débat était l’une des caractéristiques, l’individualisme, qui découle du conflit entre le capitalisme et le socialisme.

Mon distingué adversaire est un avocat, et moi aussi. Lui et ceux d’entre vous qui sont avocats me comprendront quand je dis qu’il a fait un plaidoyer d’aveu et d’évitement(*). J’ai montré, avec les illustrations que j’ai fournies, que le capitalisme a fait du gâchis avec l’individualisme. Comment mon distingué adversaire a-t-il répondu à cette accusation ? Il a admis la justesse du tableau que j’ai dessiné, et ensuite il m’a accusé de ne pas apporter les remèdes – comme si les remèdes étaient le sujet du débat –, puis il a déclaré que les maux, d’après l’inventaire que j’ai établi, étaient « inhérents aux choses » – je suppose aussi inhérents que le mauvais temps. Ceci est une vision païenne des choses.

Le païen considérait la maladie comme quelque chose qui ne pouvait pas être surmonté. Il adoptait comme posture que les adversités qui lui survenaient étaient inévitables, et il s’inclinait devant elles. Nous disons qu’elles ne sont pas inévitables. Même le mauvais temps – en effet, tout homme et toute femme se protègent du mauvais temps. Nous avons des paratonnerres ; et nous avons aussi des païens aujourd'hui qui pensent que c’est aller contre la “volonté de dieu” que de faire en sorte avec eux que l’éclair ne frappe pas nos clochers. Le païen considère l’ouragan comme un souffle de Dieu. Nous refusons de l’admettre. Nous disons que ce n'est pas un souffle de Dieu ; il s’agit d’une perturbation dans la nature, nous nous protégeons d’elle, et nous constatons que cela ne crée pas plus de perturbations avec lesquelles nous pouvons nous débrouiller. Il en est de même avec les maux sociaux. Ils ne sont pas inhérents aux choses. Le plaidoyer d’aveu et d’évitement a consisté à admettre tout ce que j’ai dit en ce qui concerne l’écrasement de l’individualisme du peuple, et de dire ensuite : « L’on ne peut rien y faire, vous êtes des utopistes, vous essayez de changer le soleil et la lune ». (Rires).

Il affirme que ces maux sont inhérents à la nature humaine. Mais cette “nature humaine” doit être également définie. Qu’est-ce que la nature humaine ? Envisagez une jeune femme qui a une puce sur sa joue – si la presse, les politiciens et les prédicateurs, lui disent que c’est un grain de beauté, sa nature humaine la poussera à protéger cette puce. Son ignorance des faits est provoquée par les leaders de l’information publique. Que quelqu’un porte maintenant à la connaissance de cette jeune fille que la puce n'est pas un grain de beauté, mais que c’est un parasite qui lui suce le sang, qui creusera un trou à cet endroit, qui gâchera son teint, alors cette même nature humaine qui la poussait au début à protéger cette puce va maintenant l’amener à la prendre entre deux ongles et à la tuer. La nature humaine n'est que ce sur quoi nous tablons. Mais nous affirmons que la nature humaine est aujourd'hui mal informée et mal dirigée.

Sous le socialisme, qu’adviendra-t-il du gouvernement, qui, selon mon distingué adversaire,  « porte l’homme sous le poids mort du socialisme et de l’anarchie » ? Ceci est un autre plaidoyer d‘aveu et d’évitement. Mais puisque mon adversaire a abandonné le terrain, je suis prêt à le suivre et à jeter quelques grenades à main sur l’ennemi qui bat en retraite et qui subit une cuisante défaite.

Je regrette qu’un officiel distingué de l’État de New York ait commis l’erreur d’identifier le socialisme à l’anarchie. Ici même, laissez-moi vous dire que personne ne révère l’histoire de ce pays et ne reconnaît le travail effectué par la Révolution autant que le socialiste. Nous ne sommes pas des anarchistes, et nous pouvons regarder le passé plus fièrement que beaucoup de ceux aux États-Unis qui brandissent notre drapeau rouge, blanc et bleu. Je regrette que ce terme ait été utilisé, et cela est le moins que l’on puisse dire.

Qu’en sera-t-il de la nature humaine, qu’en sera-t-il de l’homme lorsqu’il sera accablé sous le poids du socialisme ? Je désire rappeler à mon ami cultivé le langage que tenaient les tories contre les Pères de la Révolution quand ce pays luttait pour sa liberté. Vous trouverez que le langage qu’ils tenaient contre les Jefferson de cette époque-là était identique au langage que tient le procureur général Carmody aujourd'hui, (Applaudissements). Que deviendra ce pays, demandaient les tories, lorsqu’il serra enseveli sous le poids mort et niveleur du républicanisme ? Et ces tories ont été balayé à Yorktown et ailleurs, et la République est bien née. Il n’y a pas de différence de nature entre les attaques menées contre ceux qui ont obtenu nos libertés bourgeoises et les attaques employées aujourd'hui contre le socialisme. Il n’y aura pas de chose telle qu’“un poids mort”, pour la simple raison que, sous le socialisme, l’homme aura le libre choix de son travail, ce qu’il n’a pas aujourd'hui, et qu’il jouira de tout ce qu’il produira. Mais cela nous amène à la question sociale et économique pour laquelle je n‘ai pas de temps maintenant.

Mon adversaire distingué dit qu’il ne peut pas obtenir de réponse de la part de n’importe quel socialiste, et il espérait pourtant que je lui répondrais. Je vais être plus courtois à son égard qu’il ne l’a été au mien. Il n’a pas répondu à une seule de mes questions. Il y a une histoire que l’on raconte à propos d’Andrew Jackson qui, un jour, alors qu’il était président et qu’il se tenait adossé à la cheminée à la Maison Blanche, a entendu un bruit à l’extérieur de la pièce, et, immédiatement, la porte a été ouverte à la volée et une vielle connaissance du Tennessee est entrée précipitamment. « Qu’est-ce que tu fais à Washington ? » demanda Jackson. « Sais-tu, général, ce qui se passe au Tennessee ? ». « Non ». « Ils m’accusent d’être un voleur de chevaux ». « Peuvent-ils le prouver ? », interrogea Jackson. La réponse a été : «  C’est ça le pire, ils l’ont prouvé ! ». C’est cela le pire du trucage de nos adversaires. Les accusations contre les socialistes sont prouvées.

L’on me demande : « Comment allez-vous trouver une solution à la situation ? ». « Qu’allez-vous faire ? ». « Allez-vous confisquer ? ».

Je veux rafraîchir la mémoire de mon distingué adversaire à propos de la signification juridique du mot “confiscation”. La confiscation veut dire l’appropriation d’une propriété en contradiction avec les lois d’un système social existant. Or les révolutions amènent leurs propres lois avec elles. En conséquence, sous les lois de la Révolution sociale, cela peut être fait de manière légitime, sans la marque infamante de la “confiscation”, qui, sous les lois du système social que la Révolution a remplacé, aurait été appelé confiscation. Nous avons une illustration frappante de ce fait dans le langage de l’un des premiers leaders de notre pays, que M. Carmody, je l’espère, ne désavouera pas. Lorsque l’on demandait aux Pères de la Révolution : « Allez-vous confisquer ces colonies ? », il n’a fallu pas moins qu’un homme tel que Jefferson pour répondre à l’accusation “confiscatoire” : à chaque fois dans l’histoire d’un peuple que les conditions sont devenues telles qu’elles doivent changer, elles changeront nécessairement. La “confiscation”, du point de vue britannique, était à la racine de cette République. Comme tous les gouvernements révolutionnaires, le gouvernement des États-Unis était né au cours de la révolution. Sous les lois de sa propre existence, quel que soit le nom donné à l’acte par le système social et le gouvernement qu’il a renversés, il n’a pas “confisqué”. La question est : « Est-ce que les besoins de la classe ouvrière exigent une état différent de la société ? ». Si la réponse est : « Oui », alors cette appropriation n'est pas du tout une confiscation. J’espère que mon adversaire distingué a entendu ma réponse, et qu’il s’en souviendra. Les paroles émises à cette tribune par un démocrate, et qui nous dénoncent comme étant des “confiscateurs”, stigmatisent assez curieusement Thomas Jefferson en tant que “confiscateur”.

L’on m’a fait dire que je prétends que les vieux partis sont impliqués dans une conspiration contre la classe ouvrière. Je ne soutiens certainement pas une telle opinion, et je n’en ai exprimé aucune de ce genre. Les intérêts de classe – les intérêts de la classe capitaliste – guident la conduite des vieux partis ; et le système capitaliste actuel fait respecter cette conduite. Il n’y a là pas plus de conspiration qu’il n’y a de conspiration pour que les mille-pattes mordent. C'est la nature de cette bête. C’est ce qu’elle doit faire. La classe capitaliste ne pourrait pas faire autrement. C’est la loi de l’existence. Cela étant la loi de l’existence, personne, excepté un anarchiste, ne dirait que les vieux partis ourdissent une conspiration. Ils font partie de conspirations, mais pas contre la classe ouvrière. Ils ourdissent des conspirations les uns contre les autres. L’un conspire contre les autres, et tous contre chacun, et, à l’intérieur d’un même parti, il y a beaucoup de conspirateurs qui agissent les uns contre les autres.

L’on nous dit qu’il y a différent types de socialistes. Oh, oui. C’est une curieuse remarque à faire, plutôt le dimanche que les autres jours ! Lorsque vous dites qu’il existe plusieurs nuances de socialisme, de telle sorte que vous êtres incapable de dire ce que le socialisme veut dire, alors, de la même manière, vous déclarez qu’il n’y a pas de christianisme parce qu’il y a au moins deux cent cinquante variétés de christianisme.

Il n’y a rien dans l’affirmation selon laquelle il existe de si nombreuses variétés de socialistes ; et il y a encore moins de consolation dans cela pour le capitalisme. Je recommande à mon adversaire distingué de rafraîchir sa mémoire avec l’œuvre de Jane Grey Swisshelm(*), la fervente abolitionniste. Elle se désespérait à la vue de si nombreuses variétés d’abolitionnistes, mais, même quand son désespoir atteignait son maximum, il est arrivé que tous les abolitionnistes se rassemblent, avec cette conséquence que les démocrates copperhead et bourbon(**) possesseurs d’esclaves connaissent une fin malheureuse à Appomattox(***). C’est la loi des révolutions que leurs éléments constituants se disloquent ; chacun attire ceux qui ont des affinités particulières avec lui jusqu’à ce qu’il arrive qu’ils se retrouvent emportés tous ensemble par un courant puissant et irrésistible. Il y a à l’autre extrémité de la chaîne de l’évolution de notre génération un autre Appomattox – cette fois-ci, il est en réserve pour le capitalisme. Pour employer une expression favorite de Lincoln : Plus il y aura de chats noirs qui se battent et plus nombreux seront les chatons noirs.

M. Carmody nous a dit que le Parti démocrate aime les travailleurs. Que voulez-vous dire par l’amour des travailleurs ? Voulez-vous dire donner leur indépendance aux travailleurs ? Sûrement pas. Et donc vous n’aimez pas les travailleurs. À quoi cela sert-il de dire que tout homme doit avoir des chances égales quand le capitalisme est construit de telle façon que chacun n’ait pas de chances égales ? Lorsqu’ils nous disent qu’ils aiment les travailleurs, et je crois que la plupart d’entre eux sont sincères, ils aiment les travailleurs dans le même sens que les êtres humains aiment leur bétail. Ils sont disposés à faire n’importe quoi pour les travailleurs sauf à leur ficher la paix.

L’on nous a dit qu’aucun parti ne peut vivre s’il est contre les travailleurs et nous avons applaudi à ces paroles. Les partis capitalistes, le démocrate et le républicain, bien qu’ils soient favorables aux travailleurs dans le sens que je vous ai indiqué, sont en fait contre les travailleurs étant donné qu’ils proposent de maintenir les travailleurs dans l’esclavage salarié. De tels partis ne peuvent plus durer aux États-Unis. Il est vrai qu’ils feront élire des candidats, mais pas pour très longtemps.

L’on nous dit qu’il ne pourrait jamais y avoir de socialisme. Si le socialisme ne peut jamais exister, pourquoi ces attaques incroyables portées contre lui depuis cette tribune et par la presse ? Si le socialisme est une absurdité, pourquoi ne pas laisser cette absurdité se tuer elle-même ? Un parti qui ne défend pas intelligemment les travailleurs, et cela veut dire l’émancipation de la classe ouvrière, ce parti est condamné aux États-Unis, et le jour de sa mort est en vue.

 

 

 

RÉFUTATION DE THOMAS F. CARMODY

 

Je ne prétends pas être un prophète, mais je peux vous dire exactement ce qu’un socialiste va faire lorsqu’il en arrive aux remèdes. C'est exactement ce que l’orateur a fait. C’est précisément ce que tous les avocats du socialisme font toujours. Ils n’ont que peu de mots à consacrer à l’explication de leurs remèdes bien qu’ils aient un très beau vocabulaire avec lequel décrire les maux.

Je vous ai dit que mon adversaire distingué ne vous expliquerait pas comment ils mettraient en œuvre la plus importante déclaration du socialisme, à savoir l’acquisition des services publics. Il s’est rassis sans vous le dire, si ce n’est en laissant vaguement entendre que, dans cette révolution sociale qu’il anticipe, un moyen sera trouvé tel que celui que nous avons trouvé dans le cas de la Rebellion quand les esclaves ont été libérés, tel que celui que nous avons trouvé dans la Révolution lorsque les colonies ont mis à bas la tyrannie étrangère et établi un gouvernement de l’indépendance. Face au rejet de l’accusation que j’ai portée, à savoir que, mené jusqu’à sa conclusion logique, le socialisme signifiait l’anarchie, il a admis que le socialisme signifie bien l’anarchie quand il signifie la confiscation des droits de propriété. Avant de discuter de cela, je vais clarifier la confusion dans laquelle il a entrepris d’impliquer les affirmations que j’ai faites dans mes remarques préliminaires.

Je n’ai pas dit, et je n’ai pas l’intention de dire, qu’il existe des maux dans notre système politique qui ne peuvent pas être corrigés. S’il y a des questions concernant ce que j’ai voulu dire, j’ai dit que ces maux existaient réellement, et il en a indiqué beaucoup et parfaitement aussi bien que je peux le faire ; et, pendant toute la durée de mon intervention, je vais en indiquer certains dont le remède réside, à l’aide du peuple, dans une application intelligente du pouvoir du bulletin de vote. (Applaudissements). Une destruction mouvementée des droits de propriété a été prêchée cette après-midi depuis cette tribune, bien que dans un langage indirect.

C’est ainsi qu’il parle quand je vous ai indiqué qu’il y avait des maux qui existent dans notre vie publique et quand j’ai utilisé la similitude avec les conditions météorologiques, et il vous a donné l’exemple facétieux de la jeune femme qui a un point de beauté représenté par le parasite sur sa joue. Nous pourrions aussi bien prendre cet exemple comme n’importe quel autre. Qu’aurait à faire le socialisme avec cela ? Voyez les doctrines qu’ils appliquent aux questions publiques – selon ces doctrines, ils couperaient la tête de la jeune femme et ils en broieraient le corps. Le problème, c’est que leurs remèdes sont pires que la maladie.

Il a aussi entrepris de m’associer aux tories. Eh bien, il a fait par inadvertance un aveu très franc à l’encontre de ses théories de gouvernement. Vous vous souvenez que le tory était un homme qui disait que les gens n’étaient pas capables de se gouverner eux-mêmes. C’est le parti de Jefferson, de Hamilton et d’Adams, qui a arboré le drapeau de la liberté sur les rivages de l’Atlantique, et ce sont eux qui ont mis les pouvoirs du gouvernement entre les mains du peuple. Ils lui ont donné le droit d’élire ses serviteurs publics ; ils ont entouré les fonctions officielles de restrictions constitutionnelles, et de peur que, dans des moments de folie, les gens ne puissent pas être guidés par la voix d’un démagogue, ils ont placé autour de chaque ministère du gouvernement des environnements ayant force et puisance constitu-tionnelles. Ils vous ont donné un corps législatif destiné à faire les lois ; par le bulletin de vote, ils vous ont donné le pouvoir de choisir les hommes qui font les lois ; ils vous ont donné un organe exécutif chargé de faire appliquer les lois. Ils vous ont donné le bulletin de vote permettant de choisir les hommes qui font appliquer les lois. Si ceux qui font appliquer les lois ne les font pas appliquer avec justice, vous avez le pouvoir, qui vous a été donné dans la Constitution de la nation et de l’État, de remédier à tout danger de ce type. Ne comprenons et n’interprétons pas mal ce qu’une forme démocratique de gouvernement signifie ; elle signifie la confiance dans le peuple. Si cette forme est correctement mise en œuvre et si les lois appropriées sont promulguées, si une fois promulguées elles sont appliquées, si des hommes honnêtes sont placés dans les fonctions officielles, si les hommes malhonnêtes sont chassés de fonctions officielles par le pouvoir du bulletin de vote, vous aurez d’honnêtes lois appliquées honnêtement. Je ne vais pas être placé devant cette assistance ou devant n’importe quelle autre dans la position de défendre des lois injustes ou des privilèges enracinés. Je méprise les privilèges enracinés en tout lieu, qu’ils cherchent à détruire les obligations du travail, qu’ils cherchent à réfréner le cours de la justice, qu’ils cherchent à détruire l’héritage du travail que vos pères vous ont légué ; je voudrais les détruire, et vous avez le pouvoir de les détruire. Pour accomplir cela, il n'est pas nécessaire que vous détruisiez le gouvernement avec eux ou que vous détruisiez les droits de propriété. (Applaudissements).

C'est ici que j’ai l’intention de clouer le socialisme sur la croix et de l’y maintenir. Je veux que quelqu’un demande à l’ouvrier qui travaille dans l’usine de chaussures, ou dont les garçons et les filles travaillent dans le but de gagner honnêtement leur vie, s’il y a un remède à cette condition ? Où trouvez-vous un remède dans cette politique de l’anarchie et de la confiscation, laquelle prévoit que les services publics seront contrôlés par une propriété commune et que vous acquerrez ces services publics par la confiscation ? Y a-t-il quelqu’un dans ce pays qui a besoin de repousser la doctrine de la confiscation, qui a besoin de repousser l’idée de la violation des droits publics ou de la liberté publique davantage que le pauvre travailleur a besoin de le faire ? Y a-t-il un citoyen vivant sous notre drapeau qui a besoin de plus de protection du principe d’égalité devant la loi que le pauvre travailleur ? C’est le seul héritage que vous avez ; c’est la seule protection que vous avez. Vous devriez l’avoir, et si vous ne l’avez pas, vous avez le pouvoir de l’obtenir grâce au bulletin de vote, et ce n’est ni la confiscation, ni l’anarchie.

J’ai proposé cette question au début tout en sachant que l’on n’y répondrait pas. Ce débat va se terminer sans que l’on y ait répondu, mais il y aura eu un aveu qui n’a été cependant fait que sous la forme indirecte qui lui a été donnée. La confiscation, c’est l’anarchie.

Quelle est la force de l’analogie avec les colonies qui déclaraient leur indépendance ? Elles n’ont rien confisqué du tout ; elles n’ont confisqué aucune propriété ; elles ont pris ce qu’elles ont déclaré être à elles dans la Déclaration d’indépendance. (Forts applaudissements auxquels M. De Leon se joint, et cris de : « C'est ce que les socialistes feront ! » provenant de nombreux endroits du théâtre). Elles n’ont pas confisqué les chemins de fer ou les bateaux à vapeur (rires) – c’est ce que j’étais en train de penser à cette tribune – qu’ont-elles pris ? Ont-elles pris la propriété de quelqu’un ? L’ont-elles fait ? Elles n’ont pas pris un dollar ; elles n’ont pas pris un seul dollar appartenant à quelqu’un ; elles ont pris leur liberté, parce qu’elles ont déclaré qu’elle leur appartenait. (Applaudissements et rires).

Vous anticipez un peu trop rapidement mes conclusions. Il n’y a pas eu un seul dollar de confisqué en provenance de la propriété de qui que ce soit. Les droits de propriété étaient considérés comme sacrés ; la seule chose qu’elles demandaient, c’était que la tyrannie étrangère de l’Angleterre soit retirée de leur cou. Elles demandaient en premier lieu l’amélioration de leurs terres ; que les lois fiscales injustes soient modifiées ou abrogées ; elles demandaient des chances égales pour tous les hommes. Elles ne demandaient pas que les services publics soient confisqués.

Nous allons maintenant nous occuper de la Rebellion, des exemples de ce que Lincoln a fait en s’attaquant aux chaînes des esclaves. Cela a été fait comme un exemple dans la guerre de la Rebellion ; cela a été fait comme cela aurait dû être fait depuis le début, c'est-à-dire comme un acte de nécessité et dans le but de faire ce que les lois de ce pays disaient – à savoir donner la liberté à tous. Cela a été accompli à un moment où cela pouvait se justifier en tant que nécessité militaire.

Je vous demande si, en ces jours d’opportunités, vous trouvez dans ces deux exemples un soutien à la théorie du gouvernement – un soutien à la théorie socialiste de gouvernement –c'est-à-dire en ces jours où les écoles sont ouvertes à tous ; et, au cas où vous n’avez pas eu d’éducation, si vous devez vous unir avec ceux qui la réclament.

Vous dites que vous allez commencer cette fête organisée par vous en confisquant les services publics, en prenant aux grandes sociétés leurs droits acquis de propriété. Savez-vous ce que cela signifie ? Vous prenez cela aux riches. Mais les actions de ces entreprises sont assez largement dispersées. Une grande partie d’elles est possédée par de petits investisseurs. Si vous prenez le barrage de Troy, vous prenez aussi les canaux. (Rires).

J’ai plutôt honte de me tenir devant un public un dimanche après-midi dans la ville de Troy, une ville d’églises, un ville de résidences, une ville de vertu, une ville de patriotisme et une ville d’intelligence, et d’avoir à m’excuser pour l’oraison funèbre que j’ai prononcée à propos de l’ordre public. J’ai honte d’avoir à me présenter devant un public et de m’excuser d’avoir chanter les louanges des institutions de mon pays. J’ai honte d’avoir pu être moqué et raillé par des hommes qui jouissent de ce dont ils ne jouissent pas n’importe où ailleurs, de ce dont ils n’ont pas joui depuis le commencement de la création, et de ce dont ils ne jouissent pas ailleurs qu’ici. (Applaudissements).

Si ce temps est arrivé, s’il est là, et si nous avons eu à affronter dans cette campagne, ou si nous devrons le faire à l’avenir, n’importe quel élément de notre existence politique qui se fonde sur ces doctrines, alors vous êtes l’élément le plus dangereux qui se soit jamais présenté sous notre drapeau. La tyrannie de la vie n’est rien en comparaison de la tyrannie de l’anarchie. La lutte contre la tyrannie des privilèges enracinés dont vous vous plaignez est un idéal au même titre que la lutte contre la tyrannie qui nivèlera et détruira, qui détruira l’autel et la maison, qui détruira l’égalité et le travail. (Rires). Je dirai que, quand vous riez de cela, la seule sécurité se situe dans votre nombre. Ne perdez pas de vue qu’aucun parti dans ce pays ne grandira et n’aura du succès s’il ne vénère pas ces doctrines qui sont implantées dans le cœur de tout homme, qui défendent l’ordre public et les droits des autres, ainsi que les chances dans la vie. (Applaudissements).

Chaque homme possède quelques chances pour lui-même, et, si vous ne les avez pas eues, unissez-vous avec ceux qui peuvent vous les donner, si l’on vous les refuse.

Ne détruisez pas les remparts de la justice parce que l’un d’entre eux a été démoli. N’abandonnez pas la citadelle parce que Benedict Arnold(*) a trahi la cause. Ne punissez pas les autres patriotes de la Révolution parce qu’il y a des traîtres. Ne dénoncez pas la religion parce qu’il y a de faux prophètes dans le pays. (Applaudissements).

L’humanité souffre de maux, mais ne détruirez pas ses possibilités. Je plaide ici pour ces principes, et je plaide pour que vous puisiez les comprendre, pour que vous puissiez les examiner, pour que vous puissiez savoir ce qu’ils veulent dire et ce que les principes pour lesquels vous plaidez signifient lorsqu’on les leur applique. (Applaudissements).

(M. Carmody s’assoit alors que neuf minutes du temps qui lui était alloué n’ont pas été utilisées).

 

 

 

RÉFUTATION FINALE DE DANIEL DE LEON

 

Je regrette de voir avec quelle insistance mon distingué adversaire a parlé de la “confiscation”. Je suis surpris que lui, un démocrate, ait dû faire ainsi. Par là même, il désavoue Jefferson. La réponse de Jefferson à l’accusation de “confiscation”, c’est la Déclaration d’indépendance – une réponse simple.

Je regrette également d’avoir à remarquer la confusion de pensée de la part de mon adversaire distingué en ce qui concerne les libertés que « Jefferson et Hamilton ont données à notre peuple ». Mon adversaire distingué ne sait-il pas que ce que Hamilton voulait n’était pas ce que Jefferson voulait et a eu, et ne sait-il pas que le Parti démocrate a depuis lors jeté Jefferson par-dessus bord et qu’il est devenu hamiltonien ?

Mon distingué adversaire dit que nous sommes les pires éléments de la société. Nous n’avons pas peur de telles accusations. C’était l’accusation que le patriciat de l’ancien Empire romain portait à l’encontre des premiers chrétiens ; c’était l’accusation avec laquelle la hiérarchie politique catholique romaine a accablé ultérieurement les protestants ; c’était exactement l’accusation que les démocrates bourbons et les copperheads lançaient aux abolitionnistes. Nous, les socialistes, nous n’avons pas encore été enduits de goudron, couverts de plumes et baladés sur une barre(*), comme les abolitionnistes l’ont été. (Une voix provenant du public : « qu’est-ce qu’ils font en Californie ? »). ? N’allez pas trop vite. Le socialiste d’Amérique rejette toute affinité avec l’élément dont le chant principal a pour refrain : « Alléluia, alléluia, je suis un clodo ! »(**). Une simple déclaration n'est pas suffisante pour prouver que le socialiste est « le pire ennemi dans la société ».

Mon adversaire distingué insiste sur le fait que je n’ai pas répondu à ses questions.

Je maintiens que c’est lui qui a abandonné le terrain. S’il désire débattre du sujet du socialisme, je suis prêt. Mais même ici je le mets au défi de débattre sur un sujet particulier concernant le socialisme – la “confiscation”, s’il le désire, ou bien cette affirmation : « l’État politique, ou capitalisme, doit faire maintenant place au gouvernement industriel, ou socialisme ». La question du socialisme requiert une collecte scrupuleuse de faits, et un raisonnement rigoureux. La déclamation n’a pas sa place ici.

Dans les quelques minutes qui me sont laissées, je vais reprendre et traiter quelques-uns des derniers points soulevés par mon adversaire distingué.

Mon adversaire distingué a dit que mon remède pour la jeune femme ayant une puce sur la joue serait celui de lui couper la tête. Bien sûr que non ! J’ai dit distinctement qu’elle prendrait le parasite entre deux de ses ongles et qu’elle lui ôterait la vie. Et ce n'est pas non plus le traitement que nous avons en réserve pour la classe capitaliste. Nous leur donnerons la possibilité, pour une fois dans leur vie, de la gagner honnêtement.

Mon adversaire distingué a dit que la confiscation signifie l’anarchie. J’ai déjà et amplement traité de ce sujet de la “confiscation”. Mais puisque l’on parle de l’“anarchie”, qu’est-ce que l’anarchie ? Un mot là-dessus. L’anarchie est cette théorie de la société dans laquelle l’homme fait lui-même sa loi. C'est une théorie de la société qui rejette la collectivité. C'est une théorie de la société qui a infiniment plus d’affinités avec la classe capitaliste qu’avec les socialistes. C’est une théorie de la société qui renverrait l’humanité à son état primitif. Elle refuse la convenance d‘un gouvernement central. Celui qui parle de la politique socialiste comme étant de l’anarchie devrait fonder son affirmation sur l’écriture d’un livre portant sur sa théorie de l’anarchie. L’on verrait que la théorie de l’anarchie d’un tel homme serait absolument en conflit avec tous les enseignements de la science politique. Dire que le socialisme est l’anarchie revient à défier la science politique.

Un mot qui a trait à la “confiscation” et qui concerne ce que les Pères de la Révolution ont fait. Je renvoie mon adversaire distingué à l’histoire fiscale des difficultés rencontrées par Georges III. Les colons prenaient infiniment plus que ce que M. Carmody imagine. Pour mesurer combien ils prenaient, voyez les famines ultérieures qui ont eu lieu en Inde. Incapable de se contenter de ce qu’elle considérait comme étant sa propriété légitime dans les colonies, la Couronne britannique devait se rabattre sur les Hindous pour compenser. Le socialisme n’envisage pas, ne peut pas envisager la “confiscation” de la richesse existante pour la simple raison que la richesse de la société EST aujourd'hui la propriété de la classe ouvrière. C'est elle qui la produit. Elle “prendrait seulement ce qui est à elle” – exactement comme les colons le faisaient.

L’on nous a demandé une liste complète des éléments constituants de la République socialiste. La même demande a été faite auparavant à de grands hommes lors de grandes occasions – et avec aussi peu de sens.

Lorsque Christophe Colomb a proposé de s’attaquer à son voyage destiné à découvrir les rivages orientaux de l’Asie, il y avait des gens qui possédaient la même tournure d’esprit que mon distingué adversaire et qui lui demandaient où se situaient les montagnes, et l’embouchure des rivières, et les ports. Sa réponse a été : « Je ne sais pas, et ça m’est égal. Ce que je sais, c’est que le monde étant rond, si je voyage en direction de l’ouest, je tomberai obligatoirement sur de la terre. ».

Si Christophe Colomb est historiquement trop ancien, prenez Washington. Lorsqu’il livrait bataille pour l’indépendance, il y avait des pamphlétaires tories qui le harcelaient ainsi que les autres Pères de la Révolution avec des questions portant sur le type de gouvernement qu’ils envisageaient – serait-ce une affaire du type doge de Venise, une république hollandaise d’une grande puissance, ou quoi ? La réponse de Washington était : « D’abord, mettons une raclée aux Britanniques ».

Impossible pour le système capitaliste de continuer dans son état politique actuel. La déesse de la Liberté ne peut pas s’asseoir sur des baïonnettes. Avec une logique similaire à celle de la réponse de Christophe Colomb, le socialiste dit que la Communauté coopérative, ou le gouvernement industriel, sera le prochain dans l’ordre des systèmes sociaux. Pas davantage que Washington, nous ne pouvons donner de détails à l’avance, et comme Washington, nous disons : « D’abord, mettons une raclée aux Britanniques d’aujourd'hui ».

L’on nous dit que « les tribunaux sont ouverts à tous », et pourtant, en ces jours, quel est le cri qui monte d’un bout à l’autre du pays ? – c’est le cri de “révocation”(*).

L’on nous dit que les portes de nos écoles sont ouvertes – et pourtant relativement de moins en moins d’enfants d’ouvriers peuvent y aller. Leurs pères gagnent trop peu pour les habiller et les nourrir pour l’école.

L’on nous dit d‘utiliser le bulletin de vote. Vous pariez qu’on le fera !

La Constitution des États-Unis a été la première à prévoir son propre amendement. De ce fait, la Constitution des États-Unis reconnaissait la révolution, ou plutôt la légalisait, pour employer le langage d’un homme célébré dans ce pays. Dans la langue de Washington, notre peuple tenait le gouvernement dans le creux de sa main. Les faits que j’ai allégués, les arguments que j’ai présentés, démontrent que le temps est venu pour les opprimés de ce pays d’utiliser la clause d’amendement de la Constitution, et de mettre fin au système social capitaliste. En tant que socialistes, en tant qu’hommes qui se fondent sur les principes internationaux du socialisme, en tant qu’hommes qui reconnaissent que l’État politique est archi-mûr et donc assez pourri pour être renversé, nous organisons les syndicats industriels afin qu’ils se saisissent des rênes du futur gouvernement, et nous ferons respecter la décision du bulletin de vote au cas où les réactionnaires, les bourbons-copperheads de cette génération, se dresseraient contre elle.

Le destin du drapeau américain est entre les mains des socialistes. Ce sont les socialistes qui aujourd'hui se préparent mentalement contre la tentative, qui bloqueront la tentative, de réintroduire le despotisme dans les plis du drapeau.

Nous avons assurément l’intention d’utiliser le bulletin de vote pour tout ce qui en vaut la peine. Nous sommes des enfants du XX° siècle, et, en tant que tels, nous envisageons de nous comporter d’une manière spécifique. (Applaudissements prolongés).

 

 

 

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(*)(*) Le terme de “plea in confession and avoidance” en droit américain est un plaidoyer qui admet que les faits reprochés dans une déclaration sont véridiques, mais qui indique de nouveaux faits par lesquels l’on espère détruire l’effet des allégations qui ont été admises. En réalité, ce plaidoyer n’admet pas, et ne nie pas en même temps. (NdT).

(*)(*) Jane Grey Cannon Swisshelm (1815-1884) est une journaliste américaine, abolitionniste et avocate des droits des femmes. (NdT).

(**)(**) Les copperheads (“vipères cuivrées” en anglais) sont un groupe de démocrates du Nord des États-Unis, opposés à la guerre de Sécession qui désiraient un accord de paix immédiat avec les Confédérés. Ils furent nommés ainsi par leurs opposants, les républicains, en référence au serpent cuivré Agkistrodon contortrix. Ces serpents sont capables d'attaquer sans prévenir et sont venimeux, mais leur morsure est rarement mortelle.

Les démocrates bourbons (en anglais : Bourbon Democrats) est une expression politique utilisée aux États-Unis entre 1872 et 1904 pour faire référence aux membres conservateurs ou partisans du libéralisme classique au sein du Parti démocrate, notamment les partisans de Charles O’Connor en 1872, de Samuel Jones Tilden en 1876, de Grover Cleveland (président de 1884 à 1888 puis de 1892 à 1896) et d’Alton Parker en 1904. (NdT).

(***)(***) Village de Virginie (États-Unis), où, le 9 avril 1865, l'armée des Confédérés se rendit aux troupes nordistes, mettant ainsi fin à la guerre de Sécession. (NdT).

(*)(*) Benedict Arnold, né en 1741 dans le Connecticut et mort en 1801 à Londres, est un général de l’Armée continentale durant la guerre d’Indépendance des États-Unis. Il est surtout connu pour les avoir trahis et voulu livrer le fort américain de West Point aux Britanniques durant la guerre d’Indépendance. Il est devenu le symbole du traître dans l'histoire des États-Unis. (NdT).

(*)(*) Le fait d’être baladé à cheval sur une barre était une punition très répandue aux États-Unis au XVIII° et au XIX° siècles, une punition dans laquelle l’on faisait enfourcher au délinquant une clôture de bois que portaient deux ou plusieurs personnes sur leurs épaules. Le sujet était ensuite exhibé à travers la ville, emmené aux limites de la ville et largué sur le bord de la route. Ceci représentait une forme de punition extrajudiciaire qui était quelquefois associée à la punition du goudron et des plumes, et elle était administrée par une foule vengeresse, comme par exemple le lynchage. (NdT).

(**)(**) Hallelujah, Hallelujah, I’m a bum ! est une chanson chantée sur l’air presbytérien Revive Us Again ; elle a été imprimée par les Industrial Workers of the World en 1908 et adoptée par sa branche de Spokane (Washington) comme hymne plus tard cette année-là. Le succès de leurs combats pour la liberté d’expression de 1909 a conduit à sa popularité généralisée. (NdT).

(*)(*) Il existe aux États-Unis une procédure de révocation baptisée recall elections (scrutins de rappel) qui permet aux citoyens de retirer à la fois son mandat à un agent public et de le remplacer avant le terme de son mandat. (NdT).

 

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